« … impossible de reculer, j'étais coincée. »
Vous me regardez sourire, là. Cela demande peut-être un flash back, mais
au point où j'en suis, pas vraiment le temps de vous raconter
l'histoire. Comme si on allait prendre le thé, jouer aux cartes, et se
balancer des blagues pendant que les murs rétrécissent, là. Et comme
disait Han Solo « j'ai comme l'impression qu'on va tous maigrir un grand
coup. » Et tout est dit. Et c'est tout.
Et donc, ça sentait la fin comme ça sentait le sapin. Et ça brûlait un peu trop les doigts.
Il me fallait trouver une issue, un échappatoire. Il me fallait une
porte, là. Sauf que la magie, c'était pas trop mon truc. Déjà que dans
la catégorie excuses bidons, je ne brille pas des masses...
« Réfléchissons, et réfléchissons bien. » Je me causais à moi-même
intérieurement, comme si j'attendais que ma mère me sermonne, chose
qu'elle n'avait pas fait depuis des lustres. Faut dire, les deux pieds
dans la tombe, c'est pas évident. Et je suis aussi nulle en nécromancie
qu'en apparitions de portes façon Deus Ex Machina. Tenez, d'ailleurs, je
suis complètement athée, alors j'aurais eu du mal.
Ouais, je
perds du temps à vous raconter une autre histoire, en fait. Bon... pas
le temps de vous raconter TOUTE l'histoire. Voilà.
Les sueurs
froides, je croyais que c'était que dans les films de Hitchcock. Pis,
j'étais même pas en hauteur. Non, j'étais tout au fond du trou, tout en
bas, je pouvais pas creuser plus que ça. La solution était peut-être là,
finalement. Savez, genre, plus rien à perdre, alors autant récolter
quelques quenottes au passage. Joliment dit, hein. Je pensais alors me
la jouer Berserk, plutôt. Moins poétique, mais vachement efficace. Œil
pour œil, dent pour dent. Enfin, surtout les leurs.
Ouais,
j'ai toujours vécu ma vie comme ça. A me servir moi-même comme ça,
n'importe où, comme au self, gratuitement. Mais c'est l'existence qui
veut ça. J'en ai entendu, des refrains qui disent que la vie est belle,
mais le plus véridique est celui qui dit « existing is easy, living is
hard », à la dure. Dans les rues. Une sale chienne, un sac à puce, un
sac d'embrouilles, un sac d'emmerdes. On m'avait dit pute ou salope.
Bah, ça allait bien avec le reste. Moi j'ai toujours dit, la survie,
c'est pas en option. C'est la bagnole de base : les roues et la
carrosserie, le moteur et le bidon d'essence.
Surtout le bidon d'essence, d'ailleurs.
Et des allumettes. Une, deux, trois. Impossible de reculer. Là où j'en
étais, franchement, ça ne faisait plus aucune différence. Alors ouais,
je décidai de me lâcher et de tout faire flamber. Ils n'étaient pas
encore sur moi. Je savais bien qu'ils pensaient s'amuser un peu, comme
ils disent, puisque pour eux, c'était un jeu. Je sortis ma peau d'ours.
On m'avait assez baisée comme ça, hein, j'allais pas leur donner la
cerise sur le gâteau, mon corps en offrande à leurs représailles. Bah
quoi, ouais, OK, ce coup là, c'était vachement de ma faute. Et alors ?
Nan, je vous dirai pas.
Fallait d'abord que je m'échappe. Que j'explose quelques gueules,
quelques murs, et que je me fasse oublier. Ils me cherchaient depuis
assez longtemps, me connaissaient trop pour savoir où je pouvais bien me
planquer. Alors bon... Une cave qui brûle, ça fait toujours bien, sur
un CV. Quitte à finir entre quatre murs ou entre quatre planches, autant
laisser sa signature, hein ?
Impossible de reculer. Puis, dans
la vie, faut avancer, hein. Alors, en avant ! Un bidon dans une main,
une allumette dans l'autre. A mon tour de les baiser bien comme il faut.
Et entre baise et braise, il n'y a qu'un courant d'air. Même au fond du
trou, il suffit d'un choix pour retrouver sa bonne humeur et un peu de
sa superbe.
Je suis une ombre, un couteau, une main, un cul, un
flingue, un œil. Je travaillais pour d'autres, mais surtout pour moi.
« On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même ». Ben ouais, et mon
salut n'était que le mien, et mes portes magiques, des soupiraux, des
canalisations, des ventilos. Et un bidon noir. Ne pas avaler. Et
j'attendis qu'ils viennent me chercher, la fleur au fusil. Des
chrysanthèmes pour nos retrouvailles. Je les entendais arriver.
Et je me volatilisai.
Il y a eu d'autres villes, d'autres rues, d'autres lits, d'autres
draps, d'autres caniveaux. Éternel retour du même. Mais quand on ne
connaît que ça, c'est facile.
Finalement, j'ai eu le temps de
vous parler un peu. Mon histoire est peut-être un mensonge. Peut-être
pas. Mais c'est le cadet de vos soucis, à présent, puisque vous savez.
Éternel retour du même. Et je n'aime pas trop regarder en arrière.
J'aime bien vos orgasmes, ils sont naïfs. Mais puisque vous aimez le
torride, attendez un peu la suite, il me reste une allumette.
Et je me volatiliserai de nouveau.
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